Science et Conscience
Un défi qui se pose régulièrement aux citoyens que nous sommes est de prendre position sur des sujets qui exigent des compétences d'expert. Pour citer en vrac des sujets de société qui ont récemment pu nous interpeller: est-on pour ou contre la culture des OGM et dans quelles conditions? Faut-il autoriser le clonage, et de quoi? Que penser des expériences sur les cellules souches humaines? Quid de l'euthanasie? Quelles réformes pour la prison, quelles alternatives à l'emprisonnement, ou comment punir et réinsérer ? Comment réagir à l'arrivée des nanotechnologies dans notre quotidien?
L'idée serait de pouvoir participer aux débats de société en citoyens éclairés, voir de peser sur des décisions collectives grâce à une action de groupe (une forme de lobbying, sans les connotations d'intéressement financier corporatiste)
On s'accorde généralement à reconnaître que les bonnes intentions ne suffisent pas, ni même des valeurs partagées, mais on finit souvent par capituler devant la hauteur de la tâche: lire la recherche en la matière, les articles publiés dans les revues internationales étant soumis au crible d'une relecture exigante par les comités de chercheurs, se maintenir informé des réponses et articles contradictoires etc Cette littérature est-elle d'ailleurs abordable pour le profane?
On peut aussi se documenter dans la littérature de vulgarisation, pas forcément fiable ni impartiale, certes, mais que l'on peut suivre et confronter à son analyse critique.
Mais, à supposer que l'on parvienne à des conclusions constructives, innovantes, ou même tout simplement éclairantes, comment se faire entendre?
Le droit de vote suffit-il à garantir une "participation" à la prise de décision?
Une initiative s'inscrit dans le même genre de préoccupation: ne pas se priver de l'avis de l'"honnête homme" du XXIème siècle au profit des seuls experts technologues. Il s'agit de la création de jurys citoyens, constitués en l'occurence dans le cadre des Etats Généraux de la bio-éthique (Le Monde du 12 juin 2009, p3). Pour citer l'article, "apparus en Allemagne et aux Etats Unis dans les années 70, les jurys citoyens sont aujourd'hui utilisés dans le nord de l'Europe: au Danemark, une vingtaine ont été réunis depuis 1987 sur des sujets aussi divers que les OGM, la surveillance électronique ou le péages d'autoroute. Le principe est simple: au terme d'une solide formation et d'un vaste débat public, une quinzaine de citoyens tirés au sort produisent un avis éclairé sur une question difficile. Cette méthode prend le contrepied de la logique des sondages, qui proposent une photographie instantanée mais souvent simpliste de l'opinion publique."
Jean Léonetti (qui a donné son nom à la loi) , président du comité de pilotage des Etats Généraux de la bioéthique explique: "nous voulions faire intervenir les citoyens mais nous ne savions pas sous quelle forme." Noël Mamère a évoqué dans un débat les panels citoyens pratiqués dans les pays scandinaves, et cette idée a été mise en oeuvre.
Il s'agit pour les jurés d'une tâche exigeante: lourde documentation à lire, deux week-ends de formation à écouter des conférences présentant les différentes facettes des problèmes en jeu. Pour finir, les jurés se réunissent en huis clos afin de rédiger un avis argumenté, qui viendra théoriquement nourrir le débat au même titre que d'autres rapports (du Conseil d'Etat ou de la mission parlementaire concernée).
Cette démarche me semble relever de la démocratie en action, une forme de responsabilisation et de mobilisation (que l'on peut retrouver ailleurs, naturellement).