Les Etreintes Brisées
Les Etreintes Brisées m’a paru un film très composite, riche mais guère homogène.
Il débute par une narration un peu lourde où les personnages sont caractérisés, listés, catégorisés sans finesse particulière : un aveugle qui a dragué une passante prête à se laisser séduire à une vitesse confondante, une dame brune visiblement jalouse, et qui ne se départira pas d’un jeu appuyé tout au long du film, le fiston, la visite d’un jeune homme qui inspire la crainte et la répulsion, et sans surprise, un flash-back.
Les retours au présent sont un peu décevants aussi : le mauvais cocktail de drogue, par exemple, quel intérêt ? Certaines révélations – chocs : « Tu es son fils », un non-événement qui tombe tellement à plat qu’on voudrait croire à une parodie.
L’histoire du passé, elle, nous tient en haleine. Peut-être parce qu’on y guette sans cesse les apparitions de Pénélope Cruz, et ses métamorphoses – Audrey Hepburn, Marylin, amante heureuse et riant de bonheur, épouse décomposée … Certainement aussi parce que le mélodrame nous accroche et nous entraîne.
Mais également parce qu’Almodovar joue avec nous, multipliant les références cinématographiques – une mise en scène à la Hitchcock pour la scène de l’escalier par exemple, les hardiesses de prise de vue, la gigantesque roue du parc d’attraction autour de laquelle se joue la tragédie, les corps qui se tordent dans des draps comme un Magritte , par exemple, et tout un palimpseste de réminiscences qui donnent une richesse énigmatique aux scènes.
Un moment très réussi est la représentation du film partiellement remonté – un Almodovar genre « Femmes au bord de la crise de nerfs » qui nous fait rire, où l’on retrouve Pénélope avec bonheur, et un peu d’étonnement parce que ce n’est pas vraiment elle qui tient la vedette de cet extrait. Le passé et le présent se réconcilient, se réunissent enfin et le cinéaste, sa créativité retrouvée, peut renaître.
Il entre peut-être là une des hantises d’Almodovar, et de tout artiste (et même de tout être humain) : la crainte de ne plus créer, la peur de la mort… J’imagine que chaque spectateur y trouvera ses propres échos.
Pénélope Cruz se révèle une actrice talentueuse et en pleine maîtrise de son jeu, comme dans Volver, déjà, ou Vicki, Cristina, Barcelona de Woody Allen, qu’elle illumine aussi.