Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'escabelle
L'escabelle
Publicité
L'escabelle
Newsletter
Archives
29 août 2009

Inglourious Basterds

Dans Inglourious basterds, un peu comme dans le jubilatoire Pulp Fiction, Tarantino nous procure un plaisir intense, euphorique, en sachant toujours s'arrêter avant l'excès qui gâcherait tout. Il nous capte puis nous emporte dans son récit, en jouant sur tous nos sens. La vue, avec sa caméra gourmande et curieuse, qui s'attarde sur les visages et les corps, respectueuse devant l'aristocratique beauté de Diane Kruger, caressante et sensuelle quand elle s'attache à Mélanie Laurent, efficace dans le feu de l'action, magistrale et grandiose dans la dernière scène du cinéma.  Mais aussi, on ressent presque dans notre chair le doigt qui fouaille une blessure ouverte, on est toute ouie quand Tarantino joue avec les accents britanniques et américains, on croirait soi-même goûter un certain verre de lait, ou on reste bouche bée devant un strudel dont la crème Chantilly absorbe soudain toute notre attention.

Tarantino filme à merveille le basculement: d'abord les scènes qui s'étirent, la tension qui monte et supplicie le spectateur comme les personnages, puis se dénoue subitement - dans un déferlement de violence libératrice, une griserie qui confine à la jouissance, ou bien  un simple battement de cil qui trahit la défaite, une rougeur, un trait qui se creuse, un regard qui s'avoue vaincu, la peur qui affleure dans un frémissement. Même si le film comporte beaucoup de scènes d'actions, le véritable affrontement est mental, et le plus souvent entre deux duellistes.

C'est tout entier que nous nous abandonnons à ce film, y compris lors de moments très drôles, presque burlesques, surtout dans la dernière partie du film, quand l'Histoire passe aux oubliettes et que l'intrigue s'affranchit de toutes contraintes pour se nouer en fiction toute personnelle. J'ai hâte de pouvoir partager avec d'autres ce que j'ai ressenti à tel ou tel passage.

Ceci dit, comme avec Pulp Fiction, Inglourious Basterds me laisse une interrogation, un soupçon de culpabilité à tant savourer une oeuvre parfaitement gratuite, qui se situe en dehors de toute réflexion particulière sur quoi que ce soit, et même utilise des personnages historiques comme des marionnettes dans une fiction totalement imaginaire.  Un pur objet de plaisir, a-moral. Un objet de luxe, comme le serait un plat de grand cuisinier, peut-être, mais accessible à tous. Allez, ça y est, j'ai trouvé un prétexte intello pour vanter ce film: il attire le tout public, même le moins cultivé, et leur offre un cinéma virtuose, une porte d'entrée vers l'art. Tarantino est un bienfaiteur de l'humanité, finalement.

Publicité
Commentaires
V
Hello Gerjac. Je ne connaissais pas ce roman de Romain Gary, mais peut-être bien que Tarantino, oui. <br /> Tout comme les 3 ravissantes filles du fermier au début m'ont rappelé les ravissantes filles (dénoncées, puis violées et assassinées par les Nazis) du roman best seller Les Disparus, de Daniel Mendelsohn. Et en les voyant à l'image devant moi, avec cette association d'idée très forte, le sentiment du danger qu'elles couraient était encore plus oppressant. Il n'était plus théorique ni intellectuel, mais évoquait presque des souvenirs, ceux que je retirais de la lecture. Est-ce que Tarantino joue sur ce genre d'inconscient collectif, ou de culture commune? Peut-être bien... N'est-ce pas déjà le cas dans Kill Bill2 avec l'univers des mangas?<br /> "Il n'est pas certain qu'il y en ait un [message] explicite de Tarentino, ce n'est pas son genre, mais ça n'empêche pas qu'il y en ait un pour chaque spectateur." Oui, c'est vrai... J'apprécie particulièrement les films qui parviennent à faire sens pour le spectateur sans fournir eux-mêmes la morale de l'histoire. Celui-ci ne fonctionne pas tout à fait ainsi pour moi, néanmoins, contrairement à Un Prophète, par exemple.
Répondre
G
Remarquable critique, Véranne, que je partage largement. <br /> <br /> Sauf sur le fait, important, qu'il n'y aurait pas de message, que ce serait un film d'action gratuit. Il n'est pas certain qu'il y en ait un explicite de Tarentino, ce n'est pas son genre, mais ça n'empêche pas qu'il y en ait un pour chaque spectateur.<br /> <br /> Moi je me suis retrouvé dans cet imaginaire vengeur. Il n'est pas rare que je m'attribue des pouvoirs extraordinaires et venge ainsi les faibles, faisant mordre la poussière aux méchants. Je suis sûr d'avoir inventé, plus jeune, des scénarios équivalents (ou plutôt de même nature) contre les nazis, en lisant les récit de leurs exactions.<br /> <br /> Tarentino est souvent dans ce registre, il garde et exploite ses souvenirs d'enfant ou d'adolescent, ses rêves, ses cauchemars, les musiques qui l'ont ému, et construit des films à partir de là. Pourquoi le lui reprocher, n'est-il pas sain de mettre à jour une part de notre inconscient, ou plutôt de nos rêves, y compris de violence ? Les cacher serait-il plus efficace pour en prendre conscience, et justifier d'autres voies d'action ?<br /> <br /> J'aime beaucoup ce que dit Pâquerette (ce n'est pas la première fois): je n'avais pas pensé à cette comparaison, très éclairante avec "La vie est belle". <br /> <br /> Quant à Brat Pitt, son jeu a fait de moi un nouveau fan, j'étais jusque là plutôt réservé.<br /> <br /> Enfin, l'amour entre la juive et le noir, effectivement peu évidente (mais qu'est-ce qui est évident dans ce film ?) m'a un peu rappelé le roman "Tulipe" de Romain Gary, et cette solidarité qu'il établit entre la cause des Noirs et celle des juifs.
Répondre
V
J'aime bien ce que tu écris sur la fiction, Pa^querette, et comment elle nous sauve, avec les précautions que tu précises. <br /> Je ne sais pas si tu as vu Le Labyrinthe de Pan, où tout le film, qui se déroule pendant la seconde guerre mondiale en Italie, peut se comprendre à deux niveaux, celui de la petite fille et celui des adultes. Il montre également l'évasion par un monde parallèle.<br /> Le détour par la fiction permet aussi de mieux comprendre et donc de travailler sur le réel, de le modifier, pas simplement de le supporter.
Répondre
P
J'ai lu aussi l'article de Ferenczi, très intéressant. Je le suis également dans sa conclusion.<br /> A propos de l'accusation qui est faite à Tarantino(surtout Outre-Atlantique, dirait-on) de "révisionnisme", je crois qu'on est en plein délire. Le film de Tarantino est une histoire qui raconte que face aux tragédies du monde, la fiction est ce qui nous sauve. Elle nous permet de rêver que ça aurait pu se passer autrement.<br /> Je vais faire une comparaison avec un film très différent, très controversé aussi. C'est "La vie est belle" de Benigni. Ce qui y était raconté de la vie de déporté n'aurait pu se passer ainsi, la fin heureuse était impossible. C'était une fable, destinée à dire que malgré les pires atrocités l'espoir et l'amour demeuraient. J'étais à l'époque en contact avec d'anciens déportés qui avaient aimé ce film, parce que justement il leur permettait d'être émus, de croire encore en l'homme. Ici aussi, on a une fable, avec un message qui est l'amour de l'art. Mais ça ne veux pas dire en retour qu'on puisse travestir n'importe quelle réalité : il y faut un message artistique et sans doute humaniste, même "à l'envers", et un très grand talent. On l'a ici.
Répondre
V
Les bandes-annonces étaient assez catastrophiques, effectivement. Mais parfois on a l'impression qu'elles cherchent à attirer un autre public, plus large que les spectateurs habituels. C'était peut-être le but...<br /> Brad Pitt en Popeye? Mais ouiiiii, maintenant que tu me le dis! En tout cas, il ne se la jour pas sexy, c'est le moins qu'on puisse dire. <br /> J'ai lu le texte de Ferenczi. Il y aurait un débat très intéressant à mener là-dessus. Je suis preneuse de tous arguments..
Répondre
Publicité