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L'escabelle
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23 janvier 2010

Tetro

Le dernier film de Coppola s'impose d'emblée comme ce que j'appellerai un film d'auteur, audacieux, parfois risqué et maîtrisé dans ses subtils dérapages par rapport aux conventions actuelles. Il s'agit de raconter une histoire a priori plutôt convenue: un jeune homme vient rendre visite à son frère aîné, qui a quitté le domicile familial dix ans plus tôt après une dispute avec leur père, et n'a pas tenu sa promesse de revenir le chercher. Sur cette trame assez classique, il me semble, Coppola développe une intrigue à rebondissements et à tiroirs qui tient en haleine comme un thriller. Mais là où le film décolle du genre, c'est qu'il se déploie comme une symphonie, où des thèmes apparaissant à tel ou tel moment du film sont repris et approfondis plus tard, comme des échos qui s'amplifient et enrichissent le film d'une épaisseur humaine et temporelle. Ces motifs (les tensions amoureuses au défi des générations par exemple) se détachent aussi de la singularité des personnages, et se dégagent de tout discours articulé. Ils transparaissent, simplement, se ramifient en filigrane, s'insèrent dans la substance de l'intrigue. Pourquoi? Qui es-tu? Et finalement, qui suis-je?

On reste surpris tout le long du film, que ce soit par le travail sur l'image, les couleurs, le symbole même de la lumière, la construction d'une Argentine et de ses personnages dans des scènes qui virent à l'onirique, l'intrigue elle-même. Il y a du Mulholland Drive (David Lynch) dans ce film, et des échos d'Etreintes Brisées d'Almodovar, des passages lumineux et forts (la danse de Miranda) qui donnent envie de revoir le film rien que pour eux.

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Commentaires
V
Ta démonstration est complète... C'est très intéressant.
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V
Oui, Crash, c'est un tout autre imaginaire, qui me parle nettement moins... Pour en revenir à notre problématique première, ce n'est pas tout à fait un hasard si l'on emploie souvent l'expression "hécatombe routière" - qui renvoie étymologiquement au sacrifice, au sacré... comme si nous devions payer un tribut à quelque sinistre divinité...
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V
"Elégance philosophique", voilà qui est fort bien dit! Et "fatum", également.. L'idée est convainquante.<br /> Sur le thème de l'accident de voiture, il y a aussi Crash, de David Cronenberg: là je crois que la problématique était un peu différente, puisqu'il s'agit de personnages qui vont à des reconstitutions volontaires d'accidents de voiture. Je me rappelle avoir entendu l'auteur expliquer qu'il ressentait que l'être humain devenait en partie machine lui aussi, comme si la voiture était une extension de lui-même, comme si les articulations humaines devenaient elles-mêmes de rouages.<br /> Disons en tout cas que la voiture est entré dans l'imaginaire artistique.. ! (conclusion un peu plate, j'en conviens)
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V
Oui, l'accident de voiture est devenu l'instrument moderne du "fatum" quand la tragédie devient mélodrame et se teinte d'absurde...D'ailleurs, Camus a eu l'élégance philosophique de mourir au bord d'une route...
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V
Bien contente que tu partages mon enthousiasme, Volland! Et en ajoutant l'écho littéraire qui effectivement accroit encore le plaisir. <br /> Maintenant que tu as vu le film, je voudrais citer plus précisément les références aux voyages en voiture et aux risques d'accidents mortels - point crucial dans Etreintes Brisées, et ici aussi, avec ce thème lancinant, cette espèce d'angoisse permanente qu'il va y avoir un mort. (Quitte à ce que le réalisateur nous taquine, voire joue sur les symboles, en sacrifiant un animal à la place). C'est un thème récurrent, il faut croire. Je revoyais l'autre soir Le Facteur sonne toujours deux fois avec Jessica Lange et Jack Nicholson, et là aussi, on les voit souvent en voiture, plus ou moins prudents, et s'en sortant à chaque fois sauf une...
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