Tetro
Le dernier film de Coppola s'impose d'emblée comme ce que j'appellerai un film d'auteur, audacieux, parfois risqué et maîtrisé dans ses subtils dérapages par rapport aux conventions actuelles. Il s'agit de raconter une histoire a priori plutôt convenue: un jeune homme vient rendre visite à son frère aîné, qui a quitté le domicile familial dix ans plus tôt après une dispute avec leur père, et n'a pas tenu sa promesse de revenir le chercher. Sur cette trame assez classique, il me semble, Coppola développe une intrigue à rebondissements et à tiroirs qui tient en haleine comme un thriller. Mais là où le film décolle du genre, c'est qu'il se déploie comme une symphonie, où des thèmes apparaissant à tel ou tel moment du film sont repris et approfondis plus tard, comme des échos qui s'amplifient et enrichissent le film d'une épaisseur humaine et temporelle. Ces motifs (les tensions amoureuses au défi des générations par exemple) se détachent aussi de la singularité des personnages, et se dégagent de tout discours articulé. Ils transparaissent, simplement, se ramifient en filigrane, s'insèrent dans la substance de l'intrigue. Pourquoi? Qui es-tu? Et finalement, qui suis-je?
On reste surpris tout le long du film, que ce soit par le travail sur l'image, les couleurs, le symbole même de la lumière, la construction d'une Argentine et de ses personnages dans des scènes qui virent à l'onirique, l'intrigue elle-même. Il y a du Mulholland Drive (David Lynch) dans ce film, et des échos d'Etreintes Brisées d'Almodovar, des passages lumineux et forts (la danse de Miranda) qui donnent envie de revoir le film rien que pour eux.