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29 août 2011

La piel que habito, Almodovar

LaPielQueHabito

 

Avertissement aux lecteurs: ce billet raconte beaucoup le film...

 

Voilà un film qui m’a plongée dans le malaise, une espèce de déni nauséeux de l’intrigue, et dont je suis sortie à grand-peine, comme aspirée par une fascination malsaine.

D’abord, il y a le côté « Ile du Docteur Moreau », avec le médecin fou qui effectue des opérations monstrueuses – ce qui ne fait jamais plaisir.

Ensuite il y a cette vision terrifiante de la femme, qui nous ramène à des siècles en arrière dans des hantises ténébreuses, liée à la folie et au mensonge : la mère de deux bâtards, dont les « entrailles engendrent la folie », l’épouse qui s’enfuit avec son amant, et horriblement brûlée après un accident ne trouve rien de plus astucieux que de se défenestrer pour mourir aux pieds de sa fille, auparavant sans doute assez normale, puis la fille, justement, vierge souillée sombrant également dans la folie et le suicide, comme l’Ophélie d’Hamlet.  Les deux seules femmes à peu près sympa sont lesbiennes et vivent en un couple de 25 ans d’écart. Quant au héros, l’unique femme avec qui il arrive à retourner au lit est en fait un homme. Ajoutons à cela que le pire châtiment qu’il trouve à un jeune homme dont il veut se venger est justement de le transformer en femme…

Bref tout cela est assez oppressant, et j’imagine qu’Almodovar n’en a pas fini de digérer son homosexualité. Un thème lancinant est celui de l’identité, exploité dans la douleur.

Il n’empêche qu’en même temps, le film est d’une grande maîtrise, l’action s’empare de nous, nous happe dans cette maison – labyrinthe où le Minotaure rôde, et les acteurs sont excellents. On y retrouve les flash-backs d’Etreintes Brisées, mais sans la flamboyance. La Piel que Habito est beaucoup plus sobre, à quelques plans près, filmés des plafonds. Cette oeuvre me donne la même fascination morbide que les tableaux de Francis Bacon. Les amateurs de thrillers habités par des sadiques désaxés devraient aussi y trouver leur compte, le fil conduteur des recherches du savant fou étant très efficace.

Petite interrogation tout de même : le grain et les couleurs de l’image m’évoquent des films un peu anciens (des années 70, par exemple) alors que l’action est censée se dérouler en 2012. Je ne sais pas si cette impression aura été partagée.

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Commentaires
M
Malgré l'admiration que je porte à Almodovar (j'ai adoré Volver, étreintes brisées, parle avec elle, tout sur ma mère ...) ce film m'a fait sentir assez mal. Il est très malsain, grosse déception, je trouve qu'il a été très loin.
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V
Décidément il y a beaucoup de fenêtres par laquelle le regard peut venir éclairer le film. "Le médecin s'autorise à aimer un homme en..." Très perspicace aussi, sans doute. Amour, vengeance, homosexualité qui cherche à se réaliser, chaque aspect se nourrissant des autres..<br /> Il y aurait à creuser sur La Maya desnuda. Quant à la scène du viol ("La Belle et la Bête" !) , elle est pour le moins stupéfiante. IL n'y a même pas trop d'effort pour justifier le déguisement. Ce n'est pas la seule scène qui frise l'onirique: les scènes de débauche dans les bois de la propriété lors de la fête funeste ne sont guère réalistes non plus.<br /> Sacré film..
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P
Je viens de voir ce film, donc je ne suis pas encore remise. J'en sors nettement mieux informée sur la vaginoplastie : vous saviez tout ça, vous ? Le coup de la valise et des tailles différentes...<br /> Alors comme ça Almodovar nous revisite le mythe de Frankenstein (je suis en train de faire respirer des sels à Mary Shelley, mais elle reste les quatre fers en l'air sur la carpette), fait violer la belle (qui est un homme) par la bête (qui est un homme mais qui a une queue derrière)...Très fort. Je vois plus une histoire de vengeance que d'amour fou dans ce film, que j'ai apprécié, même si je plaisante. Aucune scène entre Gal et Roberto pour nous rendre réel leur amour. L'amour dont il est question est un amour homosexuel : le médecin s'autorise à aimer un homme en lui donnant l'apparence d'une femme (à qui il propose de la prendre derrière, à la fin, désolée, je fignole...)<br /> Le vrai sujet d'almodovar, à mon sens, est la survie psychologique, comme dans beaucoup de ses films : raconter le passé dans ce qu'il a de plus troublant, dénouer les fils entremêlés, peut permettre de survivre à toutes les blessures, et de continuer à vivre un présent peut-être pas parfait, mais authentique (retrouvailles finales).<br /> Oui, Véranne, j'ai vu aussi des références à la peinture : la Maja desnuda dans son "écran-tableau", des ocres et jaunes, des marrons, des clairs-obscurs sur les gros plans... <br /> Je n'ai pas lu ce roman de Thierry Jonquet, mais je pense qu'Almodovar a mis dans son adaptation beucoup de son monde intime.
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V
Oui, je pense que la vengeance n'est ici, si j'ose dire, qu'un avantage collatéral...J'aime beaucoup le "à quelques détails près"...
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V
Tu as sans doute raison, Volland, parce que lorsque le héros retrouve enfin son épouse (à quelques détails près), on se sent dans un dénouement: après un hoquet chaotique, le temps va pouvoir reprendre sa course, le chirurgien semble apaisé, heureux.<br /> Pour ma part, je n'y avais cependant pas été sensible auparavant, l'aspect "vengance" m'ayant davantage accaparée, ainsi que l'opportunisme scientifique. Mais à la réflexion, en y regardant de plus près, cet amour fou est constamment présent en filigrane, en effet...
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