Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'escabelle
L'escabelle
Publicité
L'escabelle
Newsletter
Archives
30 septembre 2014

Enemy, Denis Villeneuve / Peut-être avez-vous des ennemis?

Enemy, Denis Villeneuve, avec Jake Gylenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon.

 

Enemy

Les spoilers sont imprimés en blanc: il suffit de surligner avec le curseur.

Je suis allée voir ce film parce qu'en ce moment je réfléchis à la notion d'ennemi: peut-être avez-vous des ennemis, peut-être êtes-vous en réalité votre pire ennemi... J'avais envie de voir ce qu'Enemy en dit, le film jouant sur la notion du double, fantasmé ou réel, qui nous renvoie à nous-même.

Le personnage principal d'Enemy, Adam Bell, est un professeur d'histoire-géographie qui découvre son double parfait dans un film, en la personne d'un acteur occupant un petit rôle. Il le piste alors et cherche à le rencontrer. Dès le début, le spectateur est également confronté à des scènes potentiellement glauques, par exemple dans un club très fermé où des hommes viennent voir de jeunes femmes se donner en spectacle.

Tout se déroule de manière assez logique (prise de contact, méfiance etc) jusqu'à ce que la mère du personnage (Isabella Rosselini) exprime un certain dédain pour le sujet, expliquant à son fils qu'il n'a pas besoin de se fantasmer dans cet acteur. En même temps, un indice démontre qu'ils ne font qu'un. A partir de là, le doute s'installe, et le spectateur commence à rassembler des indices pour démêler l'énigme. Qui est qui? Non mais je veux dire, qui est vraiment qui? et avec qui? Les fantasmes d'araignée ne sont pas pour nous détendre non plus. On a envie de comprendre, de relever le défi, surtout si c'est par bouche à oreille que l'on est venu. Mais en même temps, c'est ardu, voire laborieux, voire ça gâche le plaisir du cinéma. Le meilleur moment du film pour moi, c'est la conversation que j'ai eue ensuite avec ma fille pour confronter nos interprétations respectives...

Du coup j'ai un sentiment un peu mitigé - un film à retardement, c'est bien, mais j'aurais aimé avoir le plaisir du dévoilement pendant que je le regardais, plutôt que de prendre des notes mentales pour ensuite faire mon Sigmund Holmes. Pendant que je critique négativement: le jaune ocre qui imbibe toutes les images, ou gris poussiéreux parfois, n'est pas non plus très agréable.

En revanche, j'ai beaucoup aimé les acteurs, leur jeu est cohérent, ils habitent leurs rôles avec un naturel qui porte tout le film. Mélanie Laurent est un peu plus souriante que d'habitude, Sophie Gadon est lumineuse et pèse juste ce qu'il faut dans la conjugalité, Isabella Rossellini joue la mère avec subtilité.

Ce que j'ai compris:

Adam le professeur est en réalité marié à Helen la jeune femme enceinte (et non pas à Mélanie Laurent, alias Marie). Lorsque son collègue le prend de haut parce qu'il vit replié sur lui-même, Adam se projette dans un personnage d'acteur et fantasme la plus grande partie du film. Marie est en réalité son ex (voir la photo déchirée), et l'araignée symbolise la féminité menaçant de le lier pieds et poings. La scène où Helen éclate de rire quand Adam/Anthony lui explique que c'est un fan qui lui téléphone est un cas où le "réel" pénètre le fantasme. C'est là également qu'elle évoque sa rivale - scène de "vérité" qui comporte les clefs de déchiffrement. A la fin, Anthony et Marie meurent dans un accident de voiture - c'est ainsi qu'Adam évacue le fantasme. Comment interpréter à la fin l'araignée qui remplit la chambre à coucher au point de se cogner au plafond, et l'expression ambiguë d'Adam: peut-être grâce à ce détour a-t-il identifié l'ennemi et va-t-il pouvoir l'affronter plus sereinement.

L'Enemy du titre serait en Adam lui-même, cette angoisse qui l'absorbe et qu'il doit identifier pour l'affronter plutôt que de s'y perdre. Cela me ramène bien à mon sujet initial... Sans être notre propre ennemi, nous devons tout de même parfois nous mettre à distance pour isoler, démêler les entraves intérieures qui nous empêchent d'avancer. Adam secrète sa propre antidote à l'araignée.. Jolie démonstration de force intérieure.

PS Sur le thème du double fascinant, un autre soi-même qui effectuerait des choix différents et construit une vie alternative à partir des mêmes ingrédients de départ, ou bien défend une cause opposée et provoque le vertige d'une remise en question profonde, voir  Opération Shylock, de Philip Roth.

Publicité
Commentaires
Publicité