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22 mai 2017

Julieta, Pedro Almodovar, 2016

Avec un peu de retard sur l'actualité j'ai vu Julieta, de Pedro Almodovar ce week-end, qui avait été projeté au festival de Cannes l'an dernier. A première vue, on pourrait dire que le film entre dans la catégorie "drame sentimental" ou "drame familial", avec une touche presque hitchcockienne dans le dénouement de secrets menaçant une blonde héroïne en lunettes noires (visite de la morgue après le naufrage)

Point de départ, l'héroïne, Julieta, s'apprête à quitter Madrid pour aller vivre au Portugal avec son compagnon, un artiste, quand elle croise fortuitement une ancienne amie de sa fille, Antia. On comprend alors que cette dernière n'a donné aucune nouvelle à sa mère depuis de longues années. Sous le choc, Julieta reste à Madrid et entreprend d'écrire tout ce qu'elle n'avait jamais révélé à sa fille.

La première partie du film m'a emportée et séduite par sa beauté et l'onirisme léger et symbolique qui embuait les péripéties. La figure du cerf vu du train est une merveille. Au bout d'un moment, j'ai tout de même fini par trouver qu'on versait dans le mélo, et une certaine caricature, avant finalement d'envisager une autre lecture du film. 

Les personnages sont essentiellement des femmes, partagées en deux groupes : aimantes-douces-confiantes (et toutes des mères, sauf l'artiste qui cependant est une sculptrice prolifique) mais impuissantes et emportées par le malheur, ou bien malfaisantes (Marian essentiellement, langue de vipère et qui fait de bons gâteaux, mais, vu la suite, plutôt sur le mode de la sorcière dans Hansel et Gretel). Sauf la méchante, elles sont toutes rongées par un sentiment de culpabilité, et elles portent en elles de profonds mystères, des non-dits, des silences, des secrets. Et puis elles tombent malades (alzheimer, sclérose en plaques), et c'est directement la grande faucheuse qui s'en occupe.

A côté de cela, nous avons quelques hommes, qui sont au contraire d'une lisibilité totale : ils sont aimants, mais rien à faire, un homme par nature a besoin d'une femme dans son lit et si sa femme s'éloigne (maladie, voyage), il va chercher la satisfaction ailleurs. Dans le film, ils apportent avec eux une monnaie d'échange : produits de la terre pour le père de Julieta, agriculteur, produits de la mer pour Xoan, pêcheur. S'ils n'ont pas de quoi, pas de place pour eux : c'est le suicide pour le voyageur au sac vide... Par ailleurs, alors que les femmes sont minées par la culpabilité, les hommes n'ont en revanche aucun état d'âme, et assument leur déloyauté avec une candeur désarmante.

Petit à petit au fil d'une intrigue avec tant de rebondissements poignants qu'on en pleurerait, le film tourne au mélodrame, jusqu'à la dernière péripétie avant le générique de fin, comme un coup sur la tête. C'est là que j'ai fini par sursauter, tout de même... Peut-être peut-on lire le film de deux manières différentes.

Au niveau littéral, Julieta est un mélo démontrant que les secrets de famille sont toxiques. Mais ensuite peut-être pourrait-on lire les péripéties comme autant de coups de brosse rageurs sur une toile - excessifs et issus d'une esthétique furieuse, d'un vocabulaire violent mais ne rendant au réalisme qu'un hommage de surface. Au fond, une fois de plus, Almodovar empoignerait le mystère féminin, pour le secouer, l'éventrer et lire ses entrailles...  Plus qu'un drame, le film est construit comme une tragédie, avec son oracle, Marian, qui libère la parole avec des conséquences funestes, mais ne fait après tout que dire la vérité. A la fin, Julieta est sur la route, en chemin, sans grande certitude mais avec espoir. C'est sans doute une métaphore à nouveau..

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