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L'escabelle
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22 août 2007

En passant par la Lorraine

J'ai passé quelques jours au vert, dans un petit village encaissé du massif vosgien, à une centaine de mètres d'un mont aux bois sombres. Un silence impressionnant règne dans la vallée autrefois rendue prospère par «l'usine », une filature qui a fermé il y a maintenant trente ans. Une petite rivière longe la lisière des bois, légèrement en contrebas. On y pêchait des truites à la main, racontent les vieux. En tout cas, l'usine s'en servait pour alimenter ses turbines, rincer les fils après teinture, remplir ses bassins de décantation. Après la faillite, les locaux sont longtemps restés à l'abandon, dans l'espoir d'un hypothétique rachat. Finalement la mairie les a démantelés, a semé du gazon et une cascade artificielle donne un peu de gaieté au paysage.

Certaines communes avoisinantes ne s'en sont pas trop mal tirées mais celle-ci serre un peu le cœur quand on voit les habitants qui sont restés. En été, les personnes âgées restent assises sur leur pas de porte, sans sourire, sans rien dire. En hiver, on les aperçoit derrière leur fenêtre comme des témoins, presque accusateurs. Des voisins discutent dans la rue, à l'heure où d'autres sont au travail, exprimant physiquement toute une misère humaine. Vêtements négligés, bouches édentées, teints d'alcooliques, goitres, cheveux de sorcière, des enfants intolérablement obèses. On détourne le regard en passant.

Le bourg voisin est beaucoup plus riant. Les petits commerces y maintiennent une chaleur humaine joviale, on y rit volontiers même avec les visiteurs de passage. La marchande de journaux, toute désolée de ne pas avoir Le Monde le jour où je l'ai demandé (« on l'a pas reçu ce matin, mais on a Le Figaro ») m'a accueillie le lendemain avec un sourire victorieux : « ah, on l'a eu aujourd'hui, j'ai pensé à vous ». Une pâtisserie grande comme un couloir continue à vendre des petits pâtés lorrains délicieux - spécialité locale à base de trois viandes (bœuf, veau, porc) marinées avec des herbes dans de l'alcool. Pour connaître les proportions des viandes, le dosage et la nature des herbes et de l'alcool, il faut faire partie de la famille... ! En tout cas, tous les « pâtés lorrains » que je goûte en région parisienne, même ceux qui se vendent dans les charcuteries spécialisées sont au mieux du veau et du porc moulinés extra-fin et trempés au vin blanc dans une pâte bourrative. Le vrai pâté lorrain, lui, est un feuilleté léger et croustillant en surface et moelleux contre les viandes hachées grossièrement, pour une texture qui en rehausse la saveur.

D'une manière générale, les maisons sont trapues et revêtues d'un crépi gris ou beige un peu sale. Mais parfois certaines sont ravissantes, avec des façades couleur pastel à plusieurs tons : vert anis, pêche, rose, jaune clair pour la base, tandis que sont repris d'une nuance plus foncée les tours des portes et des fenêtres, ou les rectangles que viennent recouvrir les volets à persiennes une fois ouverts. Des appentis en bois recouvert de grésil traditionnel s'y appuient parfois. Les églises rivalisent d'un village à l'autre, les plus imposantes en grès rose massif, les autres seulement décorées sur le fronton et les pierres cornières. Les clochers ajoutent une touche d'élégance à leur respectabilité. S'ils s'élèvent généralement en tour carrée, parfois avec des décrochements, corniches ou rejets de pierre évoquant des gargouilles, les flèches couvertes d'ardoise bleue varient à l'infini : simple cône à pans coupés, de largeur irrégulière, ou bulbe à facettes, ou combinaison de demi-dôme, pyramide tronquée ou autres polyèdres où la fantaisie se niche dans le nombre de côtés.

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