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L'escabelle
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14 août 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal?

HeureuxNormal

Cet ouvrage est une autobiographie de Jeannette Winterson, identifiée dans les magazines comme une icône du féminisme anglais – permettez-moi d’avouer mon ignorance à ce sujet. Du reste c’est un peu par hasard que je l’ai découvert, étant à l’origine partie chercher Les Débutantes pour une amie hospitalisée à qui je destinais une lecture divertissante. Et puis une vendeuse m’a convaincue de prendre celui-ci à la place, manifestement encore sous l’émotion de la lecture, et ensuite mon amie me l’a prêté en retour, elle aussi très remuée – et depuis je l’ai offert à Pâquerette sous sa tonnelle qui fleure bon le chèvrefeuille au petit-déjeuner…

L’histoire est résumée dans toutes les critiques : JW raconte son enfance de bébé adopté par un couple Pentecôtiste et surtout une femme terriblement névrosée, son adolescence décalée des attentes familiales, un paroxysme dans les traumatismes infligés, la fuite et la reconstruction, la rencontre avec sa mère biologique et sa fratrie. Avec une intrigue pareille, on pourrait s’attendre au pathos et au mélodrame. Pourtant le texte évite cet écueil.

L’ouvrage démarre avec un humour caustique, cette dérision que manient si bien les Anglais pour se tourner eux-mêmes en ridicule et couper l’herbe sous le pied des témoins. JW nous campe en même temps un tableau éclairant de l’Angleterre ouvrière des années 70. Progressivement sa plume semble s’animer d’une vie propre cependant, pour quitter une narration chronologique et par digressions, effets de loupe, arrêts sur une réflexion, retour cinglant sur un épisode confondant, épanche les souvenirs, décrit les épreuves comme un peintre se livre sur sa toile offerte aux regards. Curieusement, la distance s'amincit entre auteur et lecteur, petit à petit touché dans son intimité propre. Très émouvante est la fragilité croissante du récit au fur et à mesure qu'il se rapproche du présent et que l’auteur elle-même hésite, l’avenir n’ayant pas encore livré sa lumière rétrospective.

JW explique comment l’écriture l’a sauvée et nous emporte dans son imaginaire, où les clefs, les pas de porte, les chats, le temps jouent des rôles symboliques et ambigus, comme dans les contes et mythes qu’elle évoque. Elle inspire la méditation chez les lecteurs aussi. Du moins les lectrices – car pour l’instant ce sont des femmes que j’ai vu/lu se prononcer. Je me demande si les hommes y sont également sensibles…

J Winterson

 

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Commentaires
V
Le pardon, sans doute, une condition pour pouvoir poursuivre son chemin... quoique sans garantie d'y parvenir.<br /> <br /> J'ai été spécialement intéressée par les dernières pages, liées à la découverte de sa famille biologique. Comprendre et accepter, mais rester à distance. Le contraste entre l'émotion des attentes et les gestes simples et banals de sonner à la porte et de déjeuner ensemble sonne très vrai. <br /> <br /> Il y aura peut-être un tome 3 pour raconter la suite, mais forcément c'est très délicat, à ce stade...
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P
J'ai lu récemment un article sur la "bibliothérapie", nouvelle venue au rayon des psys alternatives...ou comment les livres nous accompagnent, nous transforment et nous consolent. J'ai souri - car nous sommes nombreux à le savoir depuis lontemps - et nous avons tous le souvenir de livres où nous nous sommes rencontrés nous-mêmes.Il y en a qui sont plus éclairants que d'autres, dès lors qu'il touchent à l'intime en lui donnant une valeur universelle. Je ne connaissais pas du tout cette auteure, et j'ai été charmée par ce regard intense et lucide porté sur son histoire personnelle. Par cette faculté de pardon aux offenses, car sans elles, J. Winterson ne serait pas devenue écrivain. C'est une autobiographie décalée, car elle parle d'elle même comme d'un personnage de fiction : "Le trajet utérus-tombeau d'une vie est intéressant - mais je ne peux pas écrire la mienne (...) Je préfère continuer de me lire comme une fiction que comme un fait". Raconter sa vie, comme personnage et comme auteure, "se lire" pour se comprendre, c'est garder la main sur sa propre évolution, son libre-arbitre, c'est conjurer la mort, si présente en filigrane dans le récit. C'est sans doute aussi ce qui touche beaucoup dans ce livre : "Et si on décidait de nos vies ?" Merci pour cette lecture, Véranne.
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