Les Estivants, Maxime Gorki. Eric Lacascade
Les Estivants, de Gorki, met en scène une dizaine de Russes en villégiature près de la mer, entretenant avec jovialité des relations de voisinage assidues. Les personnages sont campés à grands traits, pour ne pas dire typés, et très vite les dialogues mettent en lumière conflits et complicités, petites et grande misères, tricheries mesquines, aspirations et lourdeurs sociales, idéaux trahis. Ceux qui refusent de jouer le jeu poussent les autres dans leurs derniers retranchements, et la pièce s’achève dans une confusion générale – tentative de suicide, bagarre, départs précipités.
Sur un thème un peu comparable, j’avais préféré Les Enfants du Soleil, où les personnages étaient plus subtils, et la dénonciation moins simpliste, et moins haineuse.
Ceci dit, certains acteurs et la mise en scène d’Eric Lacascade éveillent sans cesse l’intérêt de la salle pour un spectacle tendu sur 2h3/4 sans pause. Le décor est constitué de bungalows dont l’implantation, l’ouverture, l’éclairage changent au cours de la pièce en fonction des activités et des attitudes mentales. C’est ingénieux, et riche de sens. De la même manière, les scènes sont denses. Par exemple lorsque les femmes bavardent sur leurs transat’, on voit les hommes s’amuser en arrière-plan comme des gamins, contrepoint comique aux piques parfois cruelles qu’échangent les épouses. Grégoire Baujat, qui joue Vlas, un jeune homme plus lucide et courageux que la plupart, occupe la scène avec talent mais sans cabotinage, chante, se contorsionne, argumente, se déclare, et soutient la pièce de bout en bout. La pièce pourrait être grandiloquente et n’échappe pas toujours à la déclamation. Mais la mise en scène la tire souvent hors de danger. Le stabat mater a capella qui noie la poésie verbeuse de la poétesse du groupe est un moment d’anthologie.
La pièce se donne en ce moment à Sceaux, Théâtre des Gémeaux.