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22 décembre 2010

Le Nom des Gens

Le Nom des Gens, de Michel Leclerc, commence tel une petite comédie à la française, un aimable divertissement sans autre ambition qu’amuser et surprendre en réunissant un vieux garçon (joué par Jacques Gamblin) et une fofolle (de son corps, notamment), Sara Forestier. Le démarrage a même le clin d’œil un peu lourd, avec les personnages qui viennent se présenter tour à tour au spectateur.

Mais dans ce rythme enlevé et plutôt décoiffé émergent des thèmes plus graves et des échanges sans complaisance. Tout démarre sur une histoire de nom, celui d’un héros, Arthur Martin, qui souffre d’une homonymie douloureuse avec l’électroménager. A 49 ans, spécialiste des épizooties, il croise dans un studio de radio une jeune surexcitée (Bahia Ben Mahmoud) bien décidée à dénoncer la manipulation de l’information. Elle se jette à son cou, il décline poliment mais la seconde fois où il la croise, réussit à surmonter sa timidité et la suit, la perd dans ses divagations, la retrouve. Militante contre la droite (« tous des fachos »), elle les convertit par l’amour, et revendique ses origines algériennes, malgré un nom qui évoque le Brézil. C’est une bombe dans la vie du célibataire qu’est Arthur Martin, ligoté dans l’univers feutré où ses parents ont étouffé les traumatismes du passé, la déportation des parents de sa mère, la survie sous l’occupation. 

En parallèle il dialogue avec lui-même adolescent, se rappelle sa jeunesse, la prise de conscience d’être juif en même temps que son refus d’un pareil héritage, et notamment de son exploitation pour susciter intérêt ou compassion. Des morts il aurait voulu que l’on retienne des moments de bonheur dans leur vie, plutôt que l’horreur de leur extermination. Et puis il y avait les filles, comment on attire leur attention, ou pas…

Sur le nom pivotent des situations en facettes jusqu’à ce que l’on trébuche, quand la mère d’Arthur n’arrive plus à retrouver le sien, au moment de renouveler une carte d’identité. Le spectateur est entraîné dans une spirale virtuose, où rôde la grande faucheuse qui réclame sa victime dans une magistrale mort du cygne.

Mais pas de grands sentiments ni de grandiloquence. Des scènes drôles et vécues en même temps : les familles qui se rencontrent, les maladresses, le refuge d’un jardin secret, les pirouettes qui sauvent… des surprises qui nous prennent à contrepied, des clins d’œil, beaucoup de rire et surtout une émotion qui petit à petit nous enveloppe.

On souhaite beaucoup de succès à ce film, et ce billet voudrait continuer le bouche à oreille très favorable qui se propage…

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Commentaires
D
Bonjour Véranne, j'ai vu ce film très récemment: sympathique, touchant avec un Jacques Gamblin excellent et une Sara Forestier pleine de fraîcheur. Je pense que le film marche bien (mais c'est mérité). Bonne journée.
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V
Il rend hommage aux disparus, en effet, et d'une manière inhabituelle: plutôt en évoquant la vie qu'ils ont aimée. L'apparition régulière des aïeuls en tenue locale est un joli choix: au lieu de les imaginer dans l'horreur des camps, le héros les voit en couple heureux. (Cette image n'est sans doute pas liée à une photo de famille, par ex, vu le contexte de déni)<br /> Je ne connaissais pas le punctum de Barthes, mais je vois ce que tu veux dire.<br /> Devoir de mémoire, oui, mais pas seulement mémoire du génocide, comme on l'entend généralement, plutôt mémoire des nôtres pour eux-mêmes, avec beaucoup d'affection.<br /> J'ai également été intéressée par le lien entre la passion construite pour les maths et la technologie et un certain refus des sentiments et des émotions.
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V
Ce que j'aime dans ce film, c'est d'abord son discours à la fois mesuré et sans complexe sur les origines : il faut les assumer - car sinon on risque le retour du refoulé et ses ravages - mais il faut savoir ne pas en faire le tout de son identité (et éviter aussi de les jeter à la figure des autres, comme on aime le faire trop souvent par les temps qui courent...). Ensuite, il y a dans ce film une façon rare de rendre hommage, sans pathos, aux disparus dans les convulsions de l'Histoire. Merveilleuse image de la petite fille à la glace à la chantilly, scène fantasmée, évidemment reconstruite, mais qui arrache un sanglot d'émotion et nous touche (le punctum dont parlait Barthes.C'est le devoir de mémoire, sans complaisance morbide - comme dans certains films qui se veulent sérieux et en deviennent larmoyants et/ou compassés parce que compassionnels - dans l'exaltation des plaisirs minuscules mais si précieux de la vie.
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