The spy who loved me
The Guardian a publié en décembre plusieurs articles sur un dépôt de plainte inhabituelle. Huit femmes, militantes écologistes ou activistes d’extrême gauche, se portent partie civile contre la police (Metropolitan Police) pour fraude et abus de confiance, ayant été séduites par des agents du ministère de l’intérieur – puis abandonnées à la fin de la mission. La liaison a pu durer quelques mois comme une dizaine d’années, des enfants sont parfois nés. Ces femmes désertées du jour au lendemain sans véritable explication (et pour cause) mais qui ont fini par découvrir le pot au roses, dénoncent la méthode, expriment leur souffrance et portent l’affaire devant les tribunaux. Apparemment, l’affaire devrait se régler par un versement de dommages et intérêt en échange d'un arrêt des poursuites, la police étant peu soucieuse de voir ses tactiques d’infiltration exposées au grand jour.
Les Anglais ont une longue histoire d’amour ambigu avec l’espionnage. On se rappellera les agents doubles MI6-KGB recrutés à Cambridge vers 1930 (Kim Philby, Guy Burgess, Donald Maclean, Anthony Blunt), honnis et en même temps coqueluche des médias. C’est peut-être dans ce contexte culturel qu’il faut replacer cet étrange rebondissement.
Mais tout de même.. Comme l’auteur de ce blog est française (scoop), c’est par un esprit nourri des Liaisons Dangereuses, du Rouge et le Noir, Bel-Ami ou Eugénie Grandet que les articles du Guardian ont été lus… Si toutes les femmes victimes d’un baratin charmeur devaient porter plainte, les tribunaux seraient définitivement engorgés. Combien de mariages par intérêt? Comment comptabiliser les fluctuations amoureuses?
D’un autre côté, il s’agit d’une violence d’état, ce qui est différent. Ici les femmes sont comparables à des victimes civiles collatérales lors d’un conflit, un peu comme des femmes violées en terrain occupé. Ou bien c’est comme les populations vivant sur des territoires où des essais nucléaires ont été pratiqués, peut-être… On leur devrait dédommagement à ce titre.
J’avoue une certaine perplexité. Qu’est-ce qui est pire, psychologiquement : se faire abuser par un individu sans scrupule agissant pour son propre compte, ou bien dans le cadre d’une mission ? La manipulation est haïssable – mais à ce compte-là…