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7 avril 2012

Les Adieux à la Reine

AdieuxàlaReine

Les Adieux à la Reine, de Benoît Jacquot, dépeint trois jours à Versailles, depuis 14 juillet 1789, du point de vue de Sidonie Laborde, lectrice de la reine Marie-Antoinette. La prise de la Bastille arrive en petite onde de choc tout d’abord, comme les vaguelettes du grand canal de Versailles où glisse la gondole qui mène ses visiteuses à la reine, puis de plus en plus fort, en même temps que les pamphlets qui listent les têtes à décoller. La majestueuse assemblée qui se pavanait quelques heures plus tôt dans les jardins s’affaire à ses malles, trottine comme des rats dans les corridors dans un sauve-qui-peut compréhensible, mais qui n’inspire guère de compassion. Sidonie traverse toutes les strates du palais, déjeunant aux cuisines avec les autres servantes, mais admise au sein du boudoir de la reine, à la croisée de tous les chemins. On la voit d’ailleurs courir sur les pavés, dévaler des escaliers, se faufiler par les portes de service. Intellectuelle comme brodeuse, elle nous emmène aussi bien à la bibliothèque que dans les frous-frous. Belle et préservée, elle attise le désir des hommes tout en soupirant pour son propre sexe. D’un point de vue narratif, une héroïne idéale. Pour le spectateur également, car Léa Seydoux, ravissante mais humaine (ah.. les jeux de lumière sur son visage, caressant des cernes qui s’esquissent) campe une jeune femme intelligente et volontaire, et tremblante d’amour à la fois. Le film anime toute une micro-société, avec une multitude de personnages secondaires très vivants, chacun à sa place mais avec son tempérament, ce qui évite l’écueil d’un patchwork ou d’un catalogue. Sans doute l’origine du film, un roman de Chantal Thomas, contribue-t-elle grandement à cette richesse, tout comme le jeu des acteurs : j’ai particulièrement apprécié Noémie Lvovsky, dans le rôle de Madame Campam,  Julie-Marie Parmentier dans le rôle d’Honorine, et d’autres femmes plus anonymes (celle qui commande le dahlia brodé, par exemple), qui pourtant n’apparaît qu’assez brièvement. La présence de ces femmes se concentre de prime abord dans leur regard, fenêtre sur leur intelligence du monde. On les découvre ensuite plus globalement, dans leur aspect physique par exemple, en les détaillant presque discrètement, comme en vrai. Les personnages en deviennent intéressants, prennent une pleine stature humaine. Michel Robin détonne légèrement en monsieur Moreau, plus lourdement théâtral, mais reste fort sympathique. Diane Kruger et Virginie Ledoyen sont à la hauteur de leur professionnalisme habituel.

Les images du film ne sont pas filmées d’un point de vue neutre, par l’équivalent d’un narrateur omniscient, ou pour poser implicitement le point de vue du spectateur depuis la salle. En fait, la caméra adopte le plus souvent le point de vue de l’héroïne, ou bien d’un témoin de passage. Par exemple, on voit Sidonie, de face, franchir des grilles gardées par deux soldats, puis de dos tomber sur le pavé. C’est que la caméra nous restitue le regard des deux hommes, qui suit la jeune femme.  Plan suivant, changement de direction lorsque Sidonie se relève: on voit maintenant les deux gardes, et l'on devine qu'ele vérifie s’ils se moquent d’elle. Cette technique, qui donne du sens à l’image, atteint ses limites quand la jeune femme court et que l’image tressaute.. Heureusement cela n’arrive que deux ou trois fois. Mais dans les scènes de foule, on arrive à des images presque tactiles, on ressent les frôlements dans les corridors, l’effet est réussi.

Bien sûr on pense au Marie-Antoinette de Sofia Coppola, que je voudrais prendre le temps de revoir (on me l’a offert). Les comparer serait un plaisir. A suivre donc, peut-être…

Marie-Antoinette Coppola

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Commentaires
V
Eh bien... Le XVIIIème siècle t'inspire décidément..
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V
En effet, je suis sorti de la salle un peu partagé, pas totalement convaincu en tout cas par ce que je venais de voir...Paradoxalement, au regard de ce que j'ai écrit ci-dessus, je trouvais le film un peu froid, comme distant de son sujet... Préjugé anti-Jacquot de ma part (:-) ou film qui se révèle au fil de la maturation des images dans l'esprit et l'imaginaire du spectateur, comme un fruit que l'on laisse fondre dans la bouche et dont la saveur ne devient évidente que lorsque le fruit lui-même a disparu ? ...
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V
D'accord... <br /> <br /> Dans ta critique, tu indiques: "à défaut de l'aimer tout à fait". Y a-til des choses précises qui ne t'ont pas plu, ou bien est-ce simplement l'ensemble qui ne "fonctionne" pas totalement?
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V
Non, en effet, je voulais dire que les personnages ne s'avouent pas, ne peuvent s'avouer à eux-mêmes la réalité de leur désir pour une personne du même sexe... Ceci étant, ce n'est pas contradictoire avec ton interprétation et tu as raison de souligner le plaisir manifeste que Sidonie éprouve à "s'incarner" dans la robe de celle qui est l'objet du désir de la reine, devenant ainsi, je te cite, "l'objet du désir de la reine par substitution"... Le plaisir social de jouer à la grande dame n'est pas totalement absent mais il est ici secondaire, en effet.
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V
Film de femmes, c'est vrai, Dasola, je ne m'en étais pas fait la réflexion. Et cela me trouble toujours un peu qu'un homme sache si bien tourner, écrire, peindre un monde féminin.<br /> <br /> L'indicible du désir... voilà qui est fort élégamment dit, Volland. C'est un film très sensuel en effet et , me semble-t-il, surtout grâce à Sidonie, plus qu'à la Duchesse, plus sèche, plus mince à plusieurs points de vue. <br /> <br /> "Rêvée", la scène où elle la voit nue? Peut-être.. En même temps elle a son pendant au moment où c'est la reine qui regarde Sidonie.<br /> <br /> En lisant "l'indicible du désir pour les personnages", j'ai une légère hésitation sur ce que tu veux dire. <br /> <br /> J'y trouve (peut-être par une pirouette grammaticale) une facette "désir de devenir tel ou tel personnage", et le plaisir presque enfantin avec lequel Sidonie endosse la robe verte, et joue ensuite à la grande dame, en est une variation délicieuse. Elle se sent ainsi devenir l'objet du désir de la reine par substitution, et joue à être la Duchesse avec une adorable impertinence.<br /> <br /> Mais ce n'est peut-être pas à ce dir-là que tu fais allusion..
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