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L'escabelle
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29 juillet 2012

Tomboy

ZoeHeran

On pourrait départager les films entre d'une part ceux qui appuient la narration d’une musique expressive, et d'autre part les oeuvres sans musique d'accompagnement. Prenons la série des X-Men, par exemple : violons furieux, trombones et tubas voire grosses caisses, et quand ça barde vraiment, en cas de massacres collectifs par exemple, chœurs féminins de voix épouvantées façon  sacrifice rituel, d'où l'on distingue parfois quelques dialogues:

-          Can you hear me ?

-          ggRRRROOAARRRRR............

-          AAAAAAaaaahhhhhhhhhhhh

(Ceci dit j’aime beaucoup les X-Men, surtout Hugh Jackman)

Pour les autres films, la tension est plus forte et plus dure à maintenir pour le spectateur qui concentre son appréhension du film sur les images et une compréhension attentive des dialogues. Moins de sens sont stimulés, la naissance de l’émotion relève moins d’un réflexe passif que d’un  remuement réfléchi. Et sans le soutien de la musique, quelle exigence pour la prise de vue, les décors,  le jeu des acteurs, les dialogues etc. ...

Pour Tomboy, un film de Céline Sciamma sorti en avril 2011, le pari est relevé avec subtilité et finesse. Pourtant le sujet n’est pas facile : une petite fille de 10 ans, Laure, se fait passer pour un garçon (Michaël) à la faveur d’un déménagement, et s’intègre ainsi dans la bande des garçons parmi les enfants du quartier. Lise, une voisine, a envie de sortir avec Michaël, Laure se prend au jeu. Et puis vient un moment où le mensonge ne peut plus durer.

Voilà l’intrigue intégrale du film, que j’ai dévoré en oubliant le reste du monde pendant ses 1h25 de durée.  Rien de spectaculaire pourtant, un été qui coule assez paisiblement, Laure et Jeanne qui jouent ensemble longuement… Jeanne, la petite sœur toute potelée, quintessence de la petite fille qui danse en tutu, complice et facétieuse, confiante. Le père, aimant, très doux. La mère, enceinte, sympathique, aimante également, mais plus en prise avec le réel, et qui interrompra brusquement le jeu.

Cet été marque pour Laure l’apprentissage douloureux d’une organisation sociale dont on ne peut flouter les repères qu’à ses risques et périls. La morale à première vue est qu’on peut sans doute tricher avec beaucoup de choses, mais pas avec certains fondamentaux :  si Lise embrasse Michaël sur la bouche, la communauté enfantine l’accepte. Si Michaël s’appelle Laure, alors c’est « dégueulasse ».

Pour le spectateur, un certain malaise s’installe au fil des images. Le vacillement autour de la beauté ambiguë du visage de l’enfant accompagne une bousculade des certitudes. On s’interroge : pourquoi persévère-t-elle, jusqu’à se « déguiser » en garçon pour la baignade? jusqu’à sortir avec Lise ? On voit des lignes franchies les unes après les autres – on s’inquiète pour elle. En même temps, tout lui réussit : Michaël est un garçon heureux : il est fort, doué en sport et au jeu, une fille tombe amoureuse de lui…

Mais on n’en saura pas plus. Le masque est arraché brutalement, la punition tout aussi radicale. La mère ne cherche pas à comprendre, ne questionne pas, n'explique pas non plus. Son point de vue est purement pragmatique: ça ne peut pas durer.  On reste face au mystère. Peut-être n’est-ce pas un mal : d’une certaine manière Laure préserve ainsi son intimité.

Et puis la vie reprend son cours ; les dernières secondes du film sont lumineuses comme un élan de vie, magnifiques.

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Commentaires
D
Rebonsoir Véranne, c'est un genre de film plein de délicatesse que l'on voit trop rarement sur nos écrans. Et il y a un vrai scénario. Bonne soirée.
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