Tolérance des autres et respect de ses propres valeurs
En ce moment, l'islamisme se répand en Syrie et en Turquie, entraînant des massacres, plongeant la population dans la terreur. Un reportage de Vice news sur le nouveau califat , The Islamic State, montre par exemple l'enrôlement et la fanatisation des enfants, le fonctionnement de la justice liée à la charia, les femmes emburkanisées du trottoir jusqu'aux yeux, la destruction pure et simple de tout ce qui ne coïncide pas strictement à l'orthodoxie politico-religieuse. J'ai été spécialement attentive à un passage où la police religieuse interpelle un homme pour lui intimer quelques recommandations à transmettre à sa femme: un tissu plus épais pour sa burka et ne pas la soulever en marchant parce que sinon on voit ce qu'elle porte en-dessous. Et ensuite de commenter au journaliste: "c'est vrai, quoi, s'il ne prend pas soin de sa femme, qui s'en occupera? C'est tout de même à lui de veiller sur elle s'il pense qu'elle a de la valeur".
Ou encore , l'autre jour dans The Economist du 26 juillet 2014, quelques chiffres accablants sur les mutilations génitales (excision, infibulation) imposées aux femmes dans certains pays, ainsi que les mariages imposés. Si en trente ans, le pourcentage de filles soumises à cette torture a diminué de 30%, on compte aujourd'hui dans le monde 7 mutilations de fille par minute. 3,6 millions de filles sont mutilées chaque année, et avec la croissance de la population, ce nombre passera mécaniquement à 4,1 millions en 2035 si le pourcentage se maintient... Plus de 90% de femmes sont excisées et infibulées en Egypte et Guinée, plus de 80% au Soudan, en Somalie, au Mali, Burkina Faso et en Sierra Leone. En France, la pratique est interdite et entraîne des poursuites judiciaires mais la bataille n'est pas encore gagnée, d'autant que les fillettes sont souvent excisées lors d'un voyage en Afrique par exemple.
On entend arguer qu'il faut respecter les pratiques des peuples du monde au nom de la tolérance, acceptation de la différence et autre ouverture multiculturelle. Je suis également très attachée à la posture Voltairienne que l'on résume par: "je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrrai pour que vous puissiez le dire" Mais là, impossible, je suis révulsée. Le statut de la femme s'enfonce encore plus bas dans l'infériorité dans tous ces pays où l'intégrisme musulman gagne, même sans parler d'islamisme. (On peut penser à la Turquie par exemple). Ne pratiquons pas l'amalgame, restons raisonnable etc - n'empêche que oui, je prends la religion musulmane sérieusement en grippe, et d'une manière générale, toute religion qui prétend gouverner la vie des populations en détail. Les religions ont élaboré la structure des valeurs morales qui trament et cadrent notre vie en société, c'est l'héritage dont nous sommes légataires. Mais de nombreux pays se sont libérés progressivement du dogme pour n'en garder que la culture. Pour en revenir aux femmes, elles ont pu gagner au passage leur dignité d'être humain à rang égal avec les hommes. Et rien à faire, pour moi, cet acquis n'est pas seulement non-négociable, il est aussi à conquérir partout ailleurs. Mais... quid de ma tolérance, alors? Quel droit d'ingérance peut-on avoir.. ?
Umberto Eco donne des outils intéressants à ce sujet dans Construire l'ennemi, et autres outils occasionnels (Grasset), article "Absolu et relatif". "Reconnaître qu'une culture autre est différente, et doit être respectée dans sa diversité, ne signifie pas abdiquer notre identité culturelle" (p 68) Et plus loin: " le relativisme culturel n'implique pas le relativisme éthique". La lutte contre la prostitution enfantine en Asie par exemple passe par les poursuites engagées contre les touristes sexuels que de nombreux pays ont mis en place. On peut respecter les autres êtres humains en tant que tels, tout en combattant ce que l'on estime être des actes de barbarie. Ce sont des hommes et des femmes, on ne les ne réduit pas à leur comportement, il convient de distinguer entre leur nature - à respecter dans sa dignité notamment - et leurs actes, que l'on peut chercher à éradiquer.
Cette posture nous maintient dans une société de droit, où la justice suit son cours avec certaines garanties pour les accusés, elle permet aux criminels de payer leur dette, elle laisse une place au pardon. Il reste à savoir où placer le curseur... Je suis ravie que la burka intégrale ait été interdite en France dans l'espace public, par exemple. Mais si mes souvenirs sont exacts, le motif recevable s'est avéré être celui de la sécurité, pas de l'égalité entre les sexes...