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L'escabelle
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20 août 2014

Tolérance des autres et respect de ses propres valeurs

En ce moment, l'islamisme se répand en Syrie et en Turquie, entraînant des massacres, plongeant la population dans la terreur. Un reportage de Vice news sur le nouveau califat , The Islamic State, montre par exemple l'enrôlement et la fanatisation des enfants, le fonctionnement de la justice liée à la charia, les femmes emburkanisées du trottoir jusqu'aux yeux, la destruction pure et simple de tout ce qui ne coïncide pas strictement à l'orthodoxie politico-religieuse. J'ai été spécialement attentive à un passage où la police religieuse interpelle un homme pour lui intimer quelques recommandations à transmettre à sa femme: un tissu plus épais pour sa burka et ne pas la soulever en marchant parce que sinon on voit ce qu'elle porte en-dessous. Et ensuite de commenter au journaliste: "c'est vrai, quoi, s'il ne prend pas soin de sa femme, qui s'en occupera? C'est tout de même à lui de veiller sur elle s'il pense qu'elle a de la valeur".

Ou encore , l'autre jour dans The Economist du 26 juillet 2014, quelques chiffres accablants sur les mutilations génitales (excision, infibulation) imposées aux femmes dans certains pays, ainsi que les mariages imposés. Si en trente ans, le pourcentage de filles soumises à cette torture a diminué de 30%, on compte aujourd'hui dans le monde 7 mutilations de fille par minute. 3,6 millions de filles sont mutilées chaque année, et avec la croissance de la population, ce nombre passera mécaniquement à 4,1 millions en 2035 si le pourcentage se maintient... Plus de 90% de femmes sont excisées et infibulées en Egypte et Guinée, plus de 80% au Soudan, en Somalie, au Mali, Burkina Faso et en Sierra Leone. En France, la pratique est interdite et entraîne des poursuites judiciaires mais la bataille n'est pas encore gagnée, d'autant que les fillettes sont souvent excisées lors d'un voyage en Afrique par exemple.

On entend arguer qu'il faut respecter les pratiques des peuples du monde au nom de la tolérance, acceptation de la différence et autre ouverture multiculturelle. Je suis également très attachée à la posture Voltairienne que l'on résume par: "je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrrai pour que vous puissiez le dire"  Mais là, impossible, je suis révulsée. Le statut de la femme s'enfonce encore plus bas dans l'infériorité dans tous ces pays où l'intégrisme musulman gagne, même sans parler d'islamisme. (On peut penser à la Turquie par exemple). Ne pratiquons pas l'amalgame, restons raisonnable etc - n'empêche que oui, je prends la religion musulmane sérieusement en grippe, et d'une manière générale, toute religion qui prétend gouverner la vie des populations en détail. Les religions ont élaboré la structure des valeurs morales qui trament et cadrent notre vie en société, c'est l'héritage dont nous sommes légataires. Mais de nombreux pays se sont libérés progressivement du dogme pour n'en garder que la culture. Pour en revenir aux femmes, elles ont pu gagner au passage leur dignité d'être humain à rang égal avec les hommes. Et rien à faire, pour moi, cet acquis n'est pas seulement non-négociable, il est aussi à conquérir partout ailleurs. Mais... quid de ma tolérance, alors? Quel droit d'ingérance peut-on avoir.. ?

Umberto Eco donne des outils intéressants à ce sujet dans Construire l'ennemi, et autres outils occasionnels (Grasset), article "Absolu et relatif". "Reconnaître qu'une culture autre est différente, et doit être respectée dans sa diversité, ne signifie pas abdiquer notre identité culturelle" (p 68) Et plus loin: " le relativisme culturel n'implique pas le relativisme éthique". La lutte contre la prostitution  enfantine en Asie par exemple passe par les poursuites engagées contre les touristes sexuels que de nombreux pays ont mis en place. On peut respecter les autres êtres humains en tant que tels, tout en combattant ce que l'on estime être des actes de barbarie. Ce sont des hommes et des femmes, on ne les ne réduit pas à leur comportement, il convient de distinguer entre leur nature - à respecter dans sa dignité notamment - et leurs actes, que l'on peut chercher à éradiquer.

Cette posture nous maintient dans une société de droit, où la justice suit son cours avec certaines garanties pour les accusés, elle permet aux criminels  de payer leur dette, elle laisse une place au pardon.  Il reste à savoir où placer le curseur... Je suis ravie que la burka intégrale ait été interdite en France dans l'espace public, par exemple. Mais si mes souvenirs sont exacts, le motif recevable s'est avéré être celui de la sécurité, pas de l'égalité entre les sexes...  

 

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Commentaires
V
Bien d'accord pour ne pas pratiquer d'amalgame. Du reste, mon billet ne se place pas dans une classification des religions, coûtumes et autres moeurs, mais simplement dans l'observation des phénomènes et d'un point commun, une "constante", comme le formule Pâquerette, qui est l'oppression des femmes d'une manière ou d'une autre. Oui à la liberté de culte dans la sphère privée, non pour que le culte se heurte à l'organisation et aux valeurs démocratiques d'une société. Certaines femmes sont pudiques et s'exposent peu au regard d'autrui, je le respecte totalement, elle sont "sujets" de leur vie. Mais d'autres femmes sont forcées de se comporter en objets, sont soumises à des pressions qui leur dénient le libre arbitre et l'égalité avec les hommes. Ces pratiques ostentatoires affichent un statut inférieur de la femme, parfois avec une intention militante, voire prosélyte. Comment regarder de l'autre côté et s'en laver les mains? Pas de polémique de ma part, donc, mais une volonté de protéger ce que nos grands-mères et grands-pères ont gagné pour nous, et d'autres avant eux. Lutter contre le Pen ou s'en préserver tout au moins devrait sûrement pouvoir s'effectuer sans sacrifier les femmes...<br /> <br /> A part ça, je sais bien que les mutilations génitales ne sont pas liées à la religion musulmane. Mon propos n'est pas de diaboliser la religion musulmane, que je respecte tout autant qu'une autre religion.<br /> <br /> Donc à fond pour la laïcité, relayée par les institutions publiques, mais aussi les individus. <br /> <br /> Unité ou diversité - je ne sais pas, mais il me semble que le respect des droits de l'être humain, c'est un fondamental non négociable...?
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P
La posture voltairienne a été pensée en un temps où les libertés les plus élémentaires étaient bafouées. Aujourd'hui, dans nos démocraties, tout le monde peut à peu près dire ce qui lui passe par la tête. D'où quelques réticences à défendre les paroles extrêmes. Je ne sais ce que Voltaire penserait de tout cela.<br /> <br /> La mondialisation fait que nous accordons le même regard aux mutilations sexuelles en Afrique, aux lapidations au Yémen, au tourisme sexuel en Asie. A chaque fois pourtant, raisons différentes, cultures différentes, mais une constante : droits des femmes en péril.<br /> <br /> Curieux tout de même que les religions s'entendent - ou se soient entendues, à des époques différentes -, sur le statut de la femme. Main mise des hommes sur le pouvoir de procréation, donc sur la société. Tout ceci me convaincrait assez de la non existence de Dieu, si j'avais besoin d'une preuve.<br /> <br /> Beaucoup de gens autour de moi pratiquent la religion musulmane et n'embêtent pas leurs voisins avec ça. Dès lors qu'une religion dérape de cet espace privé, elle devient bras de levier politique.<br /> <br /> Hiérarchie des valeurs...Diversité-unité...Impossible de mettre tout le monde d'accord. Seulement poser des garde-fous, et la laïcité en est un auquel je crois.<br /> <br /> Je crois aussi à l'enseignement de la capacité critique à l'école, mais on voit bien comme cela devient difficile, avec la concurrence des médias et les comportements induits par les problèmes sociaux que nous vivons aujourd'hui.
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B
En effet, ne pratiquons pas l'amalgame ! au risque de renforcer les phénomènes que l'on dénonce. Il y a bien,en effet, une montée de l'islam intégriste en général, avec toutes les différences, qui sont grandes, entre ses différentes variantes: depuis ce qu'on appelle "islamisme" - celui de "frères musulmans" égyptiens ou français (l'UOIF), du Hamas, du Hezbollah ou du régime iranien - jusqu'à l'"islam radical" le plus extrême qui sévit actuellement en Irak et Syrie - celui de jihadistes, d'AlQaïda, de l'"Etat Islamique". Mais, à l'opposé, il y a bien, en France et dans le monde occidental (et donc chrétien) une montée parallèle du racisme anti-musulman et de l'intolérance, qui alimente les partis d'extrême droite en Europe.<br /> <br /> L'islamisation est évidente et visible en Turquie, sous l'impulsion d'Erdogan, mais elle reste à ce stade relativement modéré, car la société turque résiste. Les laïques kémalistes représentent encore une force importante, bien qu'affaiblie par son soutien aux dictatures militaires qui ont ponctuées l'histoire des dernières décennies de la Turquie. Les "alévis" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Alévisme) également qui sont 30 % de la population, pratiquent un islam tolérant et sont partisans de la laïcité s'opposent à cet "islamismisation". Paradoxalement, l'évolution actuelle de la Turquie, est celle de l'islamisation en même temps que celle de la démocratisation (avec l'effort d'adopter les règles de l'UE en tant que pays candidat). Il n'y a en Turquie, ni massacre, ni terreur ! <br /> <br /> Aussi, peut-on mettre sur le même plan ce qui se passe en Turquie avec ce qui se passe en Syrie ou en Irak, ou des Jihadistes fanatiques s'adonnent aux pires massacres, sous prétexte de respecter à la lettre certaines des prescriptions du Coran ?<br /> <br /> Quand aux mutilations génitales, il s'agit d'une tradition séculaire africaine, qui n'a aucun rapport avec la pratique de l'islam, et qui est d'ailleurs méconnue dans tout le moyen-orient, que ce soit en Iran, en Irak ou en Syrie. Il s'agit là d'une coutume et non d'une prescription religieuse.<br /> <br /> Utiliser l'argument des pratiques extrémistes d'une religion (ou d'une idéologie, ou d'une théorie philosophique), pour en déduire une conclusion générale ( et négative !) sur cette religion (ou idéologie, ou théorie), ne relève t-il pas plus de la polémique que du débat ? N'est-ce pas ainsi que pratique les extrémistes entre eux ? Ainsi de Marine Le Pen, qui prend prétexte de la burqa (porté par une infime minorité de musulmans), pour condamner toute pratique qui choquerait car elle ne respecte pas notre culture - ainsi du port du voile dans la rue ... ou sur la plage !). Ces amalgames conduisent tout droit à la restriction des libertés de culte, donc des libertés tout court, car ce n'est pas à l'Etat de déterminer ce qui relève d'un culte de ce qui n'en relève pas ! Ainsi, par exemple, de l'accompagnement des sorties scolaires par les mères portant un foulard ! <br /> <br /> Nous sommes ici à la frontière entre le libéralisme politique et le républicanisme. <br /> <br /> Le premier considère que dans la sphère publique, c'est la liberté individuelle qui prime, et que dès lors le rôle de l'Etat et de faire respecter cette liberté, vue comme une absence de contrainte physique, sans se soucier de savoir si les individus agissent ou non sous la domination d'autrui, ou d'une idéologie. L'application stricte de cette conception relève de la laïcité libérale, qui donne la primauté à la neutralité religieuse de l'Etat, qui est vue comme la condition première de la liberté de conscience (= liberté de culte). Le risque de cette conception est de laisser aux communautés, donc aux religions et idéologies de tout poil, la main sur la formation des esprits, et nous conduit au relativisme culturel, au multiculturalisme voire au communautarisme.<br /> <br /> Le second considère que la liberté est, au delà de l'absence de contrainte, la capacité de chaque individu, de se libérer de ses déterminismes culturels et religieux, la capacité de les objectiver et de s'en éloigner, pour être capable d'y revenir éventuellement, en toute conscience. C'est pour cela que le républicanisme met l'accent sur l'éducation (d'ou l'interdiction du voile pour les enfants à l'école, symbole de soumission des femmes, mais qui est fait au nom du caractère ostensible du voile comme symbole religieux, et qui oblige ainsi l'Etat à décider en matière religieuse - contradiction de la laïcité !). La laïcité républicaine est ainsi une laïcité intérieure, une pratique de l'agnosticisme, mais elle ne nie pas la laïcité libérale de la neutralité de l'Etat en matière religieuse, elle va plus loin en la complétant, par la considération de l'universalisme fondé sur la raison et la capacité critique de chaque individu, qui doit être enseigné à l'école. <br /> <br /> Comment, dans une société soumise aux pressions de multiples communautés, concilier la tolérance et le respect de la liberté individuelle, avec la formation à l'esprit critique et l'universalisme ? Cela pose la question du rôle de l'école, des médias, et de toutes les institutions communes agissant au nom de l'intérêt général .... mais aussi la question de la hiérarchie des valeurs de la société dans laquelle nous voulons vivre. Par exemple: de la "diversité" ou de l'"unité" quelle est la valeur qui doit primer ?
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