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19 octobre 2014

Oncle Vania, Eric Lacascade

Eric Lacasade et sa compagnie sont en tournée depuis mars pour présenter Oncle Vania, l'homme des bois - un texte antérieur à la pièce définitive de 1897 qu'il a eu envie d'explorer.

La soirée a été éblouissante, et si j'écris c'est typiquement pour la prolonger. Quand la pièce commence, une fête d'anniversaire vient d'être préparée et on attend encore une partie de la famille, très en retard. Leur retard, peut-être leur absence, porte la menace d'un dédain qui envenime la conversation languissante. Vania finit par lâcher tout le mal qu'il pense du "professeur", son beau-frère - une sommité qui ne recycle que des idées creuses et rebattues, semble-t-il, un opportuniste qui a su jouer sur les circonstances et son charime pour s'assurer une situation très confortable. A la mort de sa première épouse, Sérébriakov s'est remarié avec une jeune femme beaucoup plus jeune que lui, et très belle. Vania, lui, a le sentiment d'avoir gâché son talent et gaspillé son travail en se sacrifiant à Sérébriakov. C'est finalement lui qui aurait dû endosser des habits de profeseur. Une dizaine de personnages gravitent ainsi autour de la propriété de Sonia, la fille du professeur. Celle-ci, comme Vania, travaille dur pour maintenir le domaine, seule source de revenus. Elle loge également sa grand-mère, complètement tombée sous le charme du professeur. Un médecin, Astrov, leur rend visite de plus en plus souvent, attiré par la jeune épouse, Eléna. Sonia est malheureusement amoureuse de lui, qui ne la voit pas.

Au début de la pièce, on ne sait pas si Vania a raison, ou s'il est simplement aigri et jaloux, comme le lui lance un ami. et c'est seulement vers la fin que le professeur est réellement mis en lumière. Dans l'intervalle, et comme dans son ombre, les autres personnages gravitent les uns autour des autres, se rapprochent, se recherchent parfois, s'éloignent, reviennent, s'éclairent mutuellement...  

Une grande partie du plaisir procuré par la représentation naît de la force charnelle de ces personnages habités. Ils chantent, ils dansent, ils se réalisent en gestes, en mouvement. Les acteurs ressemblent à leur personnage - Elena est jeune et belle, le professeur a l'âge du rôle etc Bien entendu, on aime aussi les rôles de composition, les acteurs de 50 ans qui jouent Hamlet avec talent etc mais - le plaisir est tout de même plus immédiat quand les acteurs sont talentueux tout en correspondant physiquement aux personnages.

Personnellement, je suis toujours stupéfaite par le théâtre. On ne peut pas s'y oublier - il y a la scène et la salle, et pas moyen de se dissoudre dans l'image comme au cinéma. On regarde des individus s'agiter, parfois très loin de soi, sans perdre la distance critique, la posture réflexive. Et pourtant, on est happé hors de soi, tendu vers cette histoire incarnée, impliqué de tout son être.

Sans doute Eric Lacascade a-t-il eu le souci de rompre la différence entre scène et salle, justement, en éparpillant parfois ses acteurs dans le public pour qu'ils interviennent parmi nous. Pourquoi pas... Je me sens toujours un peu menacée dans ces cas-là, craignant de me retrouver interpellée, mise en scène malgré moi et projetée sous le regard des autres. Heureusement rien de ce style ici - mais pour moi, au lieu de fusionner, cette variation clive encore plus. 

Dans cette version de l'Oncle Vania, on peut saluer l'économie et la précision du texte, qui permet de comprendre les faits sans s'y apesantir. La partie médiane, qui explore l'enfermement, la chape mortifère qui étouffe l'élan vital, ne sombre pas dans l'ennui .. du spectateur - là encore un défi à relever.

Mais évidemment, ce n'est pas gai - le désespoir affleure, laissant tout de même place à l'instinct de survie au moment de la crise...

 

 

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