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L'escabelle
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10 août 2009

La Religieuse

Ce roman de Diderot est fonde sur une mystification monte par Diderot, Grimm et Madame d'Epinay pour ramener a Paris un ami, le Marquis de Croismare, reparti sur ses terres de province. S'appuyant sur un fait divers relatant le proces perdu par une religieuse souhaitant renoncer a la vie religieuse, Diderot et ses amis avaient imagine que la jeune femme s'etait enfuie de son couvent et refugiee chez une personne compatissante. Il ne restait plus a Diderot qu'a rediger des lettres en son nom pour appeler le marquis a l'aide. Celui-ci, bien que repondant avec bienveillance, ne s'est malgre tout jamais deplace. Diderot en tira neanmoins un argument sur lequel il monta un roman subversif publie en 1783.

L'intrigue presente une jeune fille de 20 ans envoyee dans un couvent et, a l'issue de son noviciat, forcee de prendre les ordres alors que tout en elle s'y refuse. La pression familiale ne se relache cependant pas, ses deux soeurs recevant de telles dots que rien ne lui est laisse.

La jeune Suzanne finit par apprendre que son veritable pere n'est pas l'epoux de sa mere, et que fille d'un adultere, elle n'a pas sa place dans la vie familiale. Comprenant la situation, Suzanne se borne a reclamer sa liberte, qu'on lui refuse pourtant.

Elle n'est pas traitee comme une criminelle ou une moins que rien, loin s'en faut: dans le 1er couvent, ses talents de musicienne et son charisme auraient pu lui obtenir une place enviable dans la communaute, tout comme dans la seconde institution, ou sa superieure se prend d'une grande affection pour elle. L'archidiacre venu inspecter le couvent de Longchamp ou elle est maltraitee, tout comme le directeur du couvent ou elle est harcelee par sa Superieure prennent son supplice en consideration et cherchent a la sauver, y compris de l'avocat dont les motivations semblent douteuses.

Mais Suzanne n'est prete a aucune concession, c'est sa liberte qu'elle veut et par cette demande apparemment toute simple, c'est l'organisation sociale qui est remise en cause. Le lecteur moderne finit par comprendre ce qui etait sans doute evident a l'epoque: il n'y a tout simplement pas de place dans le maillage social pour une jeune femme sans famille ni epoux. La seule issue semble etre une vie clandestine sans cesse exposee aux dangers de la prostitution.

Suzanne agit comme un revelateur partout ou elle passe, meme pour ses "tortionnaires"  qui apparaissent victimes d'un systeme qui les opprime aussi.

Pour en revenir a notre sujet - le port de la burqa - la problematique n'a guere change, il me semble, mais notre societe, oui. Les femmes (et les hommes!) ont re-organise la societe, change les equilibres, cherche a conjuguer difference avec egalite des droits. Il serait bien dommage d'oublier tout ce travail.

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Commentaires
V
Oui, c'est vrai que le personnage de l'avocat aurait pu être développé, et l'éventualité d'une relation respectueuse et amoureuse avec Suzanne.<br /> Ce qui aurait constitué un enrichissement romanesque. <br /> Tel que c'est là, on a l'intuition et le soupçon qu'il n'était pas honnête - subtilement distillée d'abord par l'attitude de l'archidiacre qui lui interdit de le revoir, puis par la traitrise du directeur de conscience. <br /> Subtil, ou expédié... Tu as peut-être raison!
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P
Je viens de terminer la (re)lecture de La Religieuse. On a parlé de l'aliénation, de la société de l'époque qui n'apportait aucune autre possibilité aux femmes que l'enfermement ou le mariage, je n'ajouterai rien à ces avis que je partage. Je pense que tu fais bien d'évoquer Sade, même si le fossé est grand entre le marquis et Diderot. N'oublions pas cependant que ce dernier a écrit "Les bijoux indiscrets" et n'est donc pas étranger à la littérature libertine. Les moments où Suzanne est dénudée par ses consoeurs pour être punie, ou les passages érotiques avec la mère supérieure, contribuent à faire de ce roman un objet original, qui défend les femmes mais s'interroge sur leur personnalité et leur sexualité. J'ai trouvé que Diderot nous laissait sur notre faim à certains moments : la fin est expédiée, le personnage de l'avocat aurait gagné à être développé, ainsi que ses motivations réelles. Mais c'est un magnifique écrit sur l'enfermement qui me donne une pensée émue pour ces milliers de femmes privées pendant plusieurs siècles d'accéder à l'amour, à l'enfantement, au travail, à la vie sociale.
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V
Il y a effectivement des passages delicieusement ambigus, notamment lorsque Suzanne joue du clavecin alors que la Superieure, assise derriere elle, parait se pamer d'admiration (en tout cas la novice met son emotion sur le compte des effets imprevisibles de la musique sur les melomanes). Dans ce cas, le lecteur sourit aussi a la naivete de la jeune fille...<br /> Personnellement je ne vois rien de troublant aux sevices infliges dans la premere partie du roman, mais a la reflexion peut-etre y a t-il une parente avec les ecrits de Sade...?
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P
J'ai en effet lu un article de "TéléObs" cet été qui raconte les censures que le film de Rivette a dû affronter. Je n'ai pas relu "La Religieuse" depuis mes douze ans où je l'avais déniché dans la volumineuse bibliothèque de mes parents. Or, de cette lecture qui m'avait passionnée en cet âge tendre (tu parles !), je garde le souvenir d'avoir été extrèmement et délicieusement troublée par des évocations de sévices et déshabillages dont je n'ai pas gardé le détail, alors que la dénonciation de l'aliénation ne m'avait guère effleurée. Au XVIIIème siècle (et même au XXème pour le film), qu'est-ce qui choquait le plus dans ce roman : la revendication de liberté individuelle pour les femmes, où l'évocation des amours saphiques et sévices à caractères sexuels ?<br /> Je le récupère en librairie pour le lire fissa... Dès qu'il fera moins chaud pour sortir, dans ma province.
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V
merci de toutes ces precisions! Je ne connaissais pas les difficultes qu'avait creees le CCC, et a vrai dire (et a ma grande honte), je croyais jusqu'a tres recemment que ce roman relevait d'une litterature libertine sans interet particulier... Comme quoi la propagande avait du laisser des traces. C'est grace au bac de francais d'une de mes filles que je me suis lancee dans cette lecture (merci a la prof de ma fille!!!)<br /> J'aime beaucoup l'idee de "dialoguer" avec la posterite, aussi... ;)
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