La Religieuse
Ce roman de Diderot est fonde sur une mystification monte par Diderot, Grimm et Madame d'Epinay pour ramener a Paris un ami, le Marquis de Croismare, reparti sur ses terres de province. S'appuyant sur un fait divers relatant le proces perdu par une religieuse souhaitant renoncer a la vie religieuse, Diderot et ses amis avaient imagine que la jeune femme s'etait enfuie de son couvent et refugiee chez une personne compatissante. Il ne restait plus a Diderot qu'a rediger des lettres en son nom pour appeler le marquis a l'aide. Celui-ci, bien que repondant avec bienveillance, ne s'est malgre tout jamais deplace. Diderot en tira neanmoins un argument sur lequel il monta un roman subversif publie en 1783.
L'intrigue presente une jeune fille de 20 ans envoyee dans un couvent et, a l'issue de son noviciat, forcee de prendre les ordres alors que tout en elle s'y refuse. La pression familiale ne se relache cependant pas, ses deux soeurs recevant de telles dots que rien ne lui est laisse.
La jeune Suzanne finit par apprendre que son veritable pere n'est pas l'epoux de sa mere, et que fille d'un adultere, elle n'a pas sa place dans la vie familiale. Comprenant la situation, Suzanne se borne a reclamer sa liberte, qu'on lui refuse pourtant.
Elle n'est pas traitee comme une criminelle ou une moins que rien, loin s'en faut: dans le 1er couvent, ses talents de musicienne et son charisme auraient pu lui obtenir une place enviable dans la communaute, tout comme dans la seconde institution, ou sa superieure se prend d'une grande affection pour elle. L'archidiacre venu inspecter le couvent de Longchamp ou elle est maltraitee, tout comme le directeur du couvent ou elle est harcelee par sa Superieure prennent son supplice en consideration et cherchent a la sauver, y compris de l'avocat dont les motivations semblent douteuses.
Mais Suzanne n'est prete a aucune concession, c'est sa liberte qu'elle veut et par cette demande apparemment toute simple, c'est l'organisation sociale qui est remise en cause. Le lecteur moderne finit par comprendre ce qui etait sans doute evident a l'epoque: il n'y a tout simplement pas de place dans le maillage social pour une jeune femme sans famille ni epoux. La seule issue semble etre une vie clandestine sans cesse exposee aux dangers de la prostitution.
Suzanne agit comme un revelateur partout ou elle passe, meme pour ses "tortionnaires" qui apparaissent victimes d'un systeme qui les opprime aussi.
Pour en revenir a notre sujet - le port de la burqa - la problematique n'a guere change, il me semble, mais notre societe, oui. Les femmes (et les hommes!) ont re-organise la societe, change les equilibres, cherche a conjuguer difference avec egalite des droits. Il serait bien dommage d'oublier tout ce travail.