Se parler avant de mourir
Récemment les circonstances m’ont fait réfléchir aux images qui décrivent couramment les dernières heures des mourants, et ces paroles – définitives - que l’on échange. Notamment c’est le temps des réconciliations sur le lit de mort, par exemple, où l’on va à l’essentiel dans des instants de dépouillement. C’est la dernière chance qui reste aux vivants de se parler avant que la grande trappe n’engouffre l’un d’eux. Que le mort parte en paix, que le vivant puisse cicatriser.
La sagesse et la tradition des peuples veulent donc que l’on rende une dernière visite à l’agonisant.
Mais quand on est déjà mort l’un à l’autre, qu’espère-t-on ? J’avoue que cela ne me paraît pas aller de soi, en réalité.
Est-ce que la perspective de la bascule finale rend plus sensé ? Est-ce que les yeux se dessillent enfin dans un éclair de lucidité ? La rancune se dissipe-t-elle brutalement? L’angoisse rend-elle subitement plus généreux… ?
Je répugne à décrire un rapport de force, comme s’il y avait indécence à s’affronter encore dans un bruit que la mort devrait taire. Et pourtant… Pourquoi celui qui s’en va s’intéresserait-il à celui qui reste ? S’il n’a jamais retrouvé le désir de vivre en bonne entente, pourquoi voudrait-il mourir réconcilié ? A-t-il seulement envie de voir l'autre? Et à quel danger s’expose le survivant ? A quel chantage potentiel ?
« Il est mort sans qu’ils se soient jamais reparlé » entend-on parfois. Le bon coeur populaire me fatigue parfois. Quel mal à cela, s’ils n’avaient plus rien à se dire… ?