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L'escabelle
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28 décembre 2013

Se parler avant de mourir

Récemment les circonstances m’ont fait réfléchir aux images qui décrivent couramment les dernières heures des mourants, et ces paroles – définitives - que l’on échange. Notamment c’est le temps des réconciliations sur le lit de mort, par exemple, où l’on va à l’essentiel dans des instants de dépouillement. C’est la dernière chance qui reste aux vivants de se parler avant que la grande trappe n’engouffre l’un d’eux. Que le mort parte en paix, que le vivant puisse cicatriser.

La sagesse et la tradition des peuples veulent donc que l’on rende une dernière visite à l’agonisant.

Mais quand on est déjà mort l’un à l’autre, qu’espère-t-on ? J’avoue que cela ne me paraît pas aller de soi, en réalité.

Est-ce que la perspective de la bascule finale rend plus sensé ? Est-ce que les yeux se dessillent enfin dans un éclair de lucidité ? La rancune se dissipe-t-elle brutalement? L’angoisse rend-elle subitement plus généreux… ?

Je répugne à décrire un rapport de force, comme s’il y avait indécence à s’affronter encore dans un bruit que la mort devrait taire. Et pourtant… Pourquoi celui qui s’en va s’intéresserait-il à celui qui reste ? S’il n’a jamais retrouvé  le désir de vivre en bonne entente, pourquoi voudrait-il mourir réconcilié ? A-t-il seulement envie de voir l'autre? Et à quel danger s’expose le survivant ? A quel chantage potentiel ?

« Il est mort sans qu’ils se soient jamais reparlé » entend-on parfois. Le bon coeur populaire me fatigue parfois. Quel mal à cela, s’ils n’avaient plus rien à se dire… ?

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Commentaires
P
"Etre déjà mort l'un à l'autre"... cela peut être le constat d'une réelle indifférence, comme si l'autre n'existait pas - mais ne pas exister, c'est différent de mort. Alors, cela m'évoque aussi le non dit, tout ce fatras inconscient qui bloque la parole, qui stagne sur les rancunes, sur l'inavoué ou inavouable. <br /> <br /> Il me semble, enfin j'imagine, qu'on ne souhaite auprès de son lit de mort, ou qu'on ne va voir sur leur lit de mort, que les gens aimés à qui on souhaite dire au revoir, ou les gens à qui il y a quelque chose à dire d'important, qu'on a laissé tarder, quelque chose de libérateur. Mais c'est réservé à un tout petit nombre. Et c'est dangereux quelquefois : le vivant peut se trouver piégé par une dernière volonté, culpabilisé - ça n'est pas forcément libérateur.<br /> <br /> Dans notre culture, on rend une dernière visite à l'agonisant s'il le demande et si on est extrèmement proche. Dans la plupart des cas, on rend une dernière visite au mort.<br /> <br /> ...ça m'est arrivé d'avoir à parler à quelqu'un qui savait partir bientôt. Ce quelqu'un, contre toute attente, m'a demandé "Es-tu heureuse ?" Mourir avec un doute sur le bonheur de celui qui reste, un doute jamais formulé sur une question toute simple, cela était insupportable.
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D
Bonjour Véranne, pas très gai comme sujet mais néanmoins intéressant. En ce qui me concerne, je n'ai pas connu de ce cas de figure: me réconcilier avec un mourant. Je n'ai pas vraiment d'idée sur la question. En revanche, je regrette de ne pas avoir les voix enregistrée de mes parents avant qu'ils ne disparaissent. Je profite de ce billet pour te souhaiter une bonne année 2014.
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A
Pour toi, que veut dire , quel est le contenu, de : « Quand on est déjà mort l'un à l'autre » ?<br /> <br /> Si tel est le cas, vraiment, alors je ne vois pas ce qu'on irait faire dans ce genre de visite. Mais peut-être que, rien que l'idée d'y penser, laisse entendre qu'on n'est pas vraiment et totalement mort l'un à l'autre…<br /> <br /> En fait, je veux dire par là que, pour moi, aucune relation qui a eu une certaine importance pour nous, un titre ou à un autre, ne meurt jamais, toutes sont inscrites en nous pour toujours. Qu'on le veuille ou pas.<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, face à la mort physique de l'autre qui arrive, à chacun de savoir ce que sa conscience lui dicte de faire ou de ne pas faire…<br /> <br /> <br /> <br /> Ce dont je peux témoigner par expérience professionnelle, c'est que des gens traînent parfois très longtemps, des années, le remords de ne pas avoir « pu reparler » à l'autre. Pathologie ? Parfois… Pas toujours…<br /> <br /> <br /> <br /> Quand aux « futurs morts » (ce que nous sommes chacun…) certains ressentent la nécessité de rencontrer untel ou untel pour, selon l'expression formulée le plus souvent, « pouvoir partir en paix ». Cela est bien au-delà de je ne sais quelle crainte de châtiment post-mortem…<br /> <br /> C'est peut-être le coeur profond, qui parle toujours « en dernier », en sa dimension d'amour incommensurable, exprime alors ce qui jusque-là relevait de l'indicible.
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P
"N'avoir plus rien à se dire"...Phrase qui suppose qu'ils aient eu avant quelque chose à se dire, qu'ils se soient dit tout ce qu'ils avaient à se dire, et qu'ils soient devant le constat qu'ils n'ont même jamais rien eu à se dire, finalement...Constat d'échec, amertume dans cette phrase souvent utilisée...<br /> <br /> Peut-être qu'un mourant, aux portes inconnues où il se trouve, devant l'absurdité des petites grandes choses de nos vies humaines, trouve la lucidité et le recul nécessaires pour rassurer ceux qui restent et se délester lui-même de fardeaux qui pourraient l'alourdir pendant le voyage qu'il entreprend. Même si on est sûr qu'il n'y a rien ensuite, j'imagine qu'on sent confusément que même cette conviction-là n'a aucun sens.<br /> <br /> Le vivant, lui, croit que tant qu'il y a de la vie il y a le temps d'abreuver les petites ou grands chicaneries que lui valent les relations avec les autres... Le mourant est quelquefois un partenaire d'un jeu cruel qui quitte la table et qui n'y reviendra pas : frustration ("Quoi ? On joue plus ?")<br /> <br /> La mort apporte un remords, souvent : celui de n'avoir pas assez dit aux vivants qu'on les aimaient, ou de n'avoir pas assez reçu d'amour de leur part. Avant, on croit qu'il y aura toujours le temps de le faire... Là, on se rend compte que ça ne va plus être possible du tout. Mais en général, les gens qu'on aime vraiment le savent et on sait qu'ils nous aiment...<br /> <br /> Mais oui, je te suis, quelquefois il n'y a plus rien à dire, mais ça ce n'est pas le problème de la mort, c'est celui des vivants et des relations qu'ils entretiennent entre eux.<br /> <br /> La mort brutale empêche de dire au revoir, tout simplement : l'autre sort de la pièce, il est censé rentrer, et il ne rentrera jamais. Dire au revoir, quotidiennement, c'est projeter un après où on se retrouvera. Les mots tout simples qu'on aurait pu dire restent sur le bout de la langue.<br /> <br /> C'est pourquoi je trouve tristes, moi qui ne suis pas religieuse, les cérémonies funéraires vite expédiées, où personne ne prend la parole. Je sens que quelque chose se passe avec la parole, car vous me direz, on peut dire au revoir dans son coeur, et c'est pareil... Il y a l'importance d'une parole dite et entendue par les autres... Pourquoi ?
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G
Quel mal à cela, s’ils n’avaient plus rien à se dire… ?<br /> <br /> <br /> <br /> Aucun, bien entendu si on considère que, né d'un hasard, on rejoint le hasard.<br /> <br /> Le reste ne fait partie que des croyances issues de l'obscurantisme(damnation éternelle pour qui part sans avoir exprimé de regrets pour ses erreurs).
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